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Blog politico-juridique

Mali: Elections presidentielles ou comedie electorale.

Publié le 31 Juillet 2013 par Nick de Bessou

Mali : Elections présidentielles ou comédie électorale.

Les maliens, du moins ceux du sud malien, se sont rendus massivement dans les urnes pour élire leur Président de la République. Le taux de participation est à hauteur de 77% selon les observateurs de l’Union Européenne. 5 candidats étaient en lice pour les présidentielles à savoir Modibo Sidibé, Jeamille Bittar, Dramane Dembélé, Ibrahim Boubacar Keïta et Soumaïla Cissé. Les grosses pointes de ces élections furent Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) et Soumaïla Cissé.

Qui sont ces deux hommes politiques ?

Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) est le Président du Comité Exécutif de l’Union Parlementaire Africaine. Ancien Premier Ministre Malien de 1994 à 2000 et ancien Président de l’Assemblée Nationale Malienne de 2002 à 2007. Il est né à Koutiala-Mali en 1945. Il est enseignant et homme politique. Il fut par le passé Ambassadeur du Mali en Côte D’Ivoire dans les années 90. Il fut le seul diplomate à visiter le Président Gbagbo en prison en 1992, après la marche du 18 février 1992. Il est socialiste comme lui.

Soumaïla Cissé (63 ans) est Ingénieur Informaticien de formation. Il est né à Tombouctou- Mali. De 2004 à 2011, il fut le Président de la Commission de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA). Il fut aussi récemment Ministre des Finances et du Commerce.

Que dire des élections du 27 juillet 2013 ?

C’était tout sauf des élections. Les élections furent soigneusement organisées par la France, l’Union Européenne et l’ONU. La France de Hollande a décidé de la date des élections et de l’éligibilité des candidats, méprisant au passage la constitution malienne ou l’organisation des élections présidentielles par les institutions maliennes. La France avait son candidat en la personne d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) et elle manœuvrait afin que ce dernier soit retenu comme le Président de la République du Mali. Pouvons –nous parler de la République du Mali lorsque le pays est divisé en 2 territoires à savoir l’état d’Azawad au Nord, depuis la frontière Algérienne et Mauritanienne, de Taoudenni, Araouane, Kidal jusqu’au nord de Tombouctou et le territoire du sud malien partant du sud de Tombouctou, Gao, Bamako à Sikasso. Les élections du 27 juillet 2013 se sont déroulées principalement au sud du Mali. La partie nord du Mali ne reconnait pas l’autorité du nouveau président fraichement élu à 53,94% au premier tour, selon Diaspo TV.

Le candidat perdant, M. Soumaïla Cissé a crié à la fraude et exigé le recomptage des voix, une commission internationale pour le dépouillement du scrutin. Aussi, il indexe le Colonel Moussa Sinko Coulibaly, Ministre malien de l’Administration Territoriale (Intérieur) pour malversations et tripatouillage électoral.

Est-ce que les conditions furent réunies pour des élections apaisées ?

Le Mali comporte deux territoires séparés par leur idéologie politique, identité et interprétation de l’Islam. L’intervention militaire de la France les mois derniers (janvier 2013), n’a pas pu ou réussi à libérer le pays des rebelles et Djihadistes Touaregs. L’opération Serval (France) s’est contentée de freiner l’avancée des rebelles vers Bamako en les repoussant au-delà de la ville de Gao. Les forces françaises ont alors occupé les villes libérées sous prétextes de les sécuriser. En réalité, le sous-sol de ces villes occupées par les forces françaises regorge d’immenses ressources naturelles. Les forces françaises ont donc décidé d’y installer des bases et servir de forces-tampon entre les rebelles et l’armée malienne, sous-équipée. En d’autres termes, la France d’Hollande accepte dans les faits l’existence d’un état Touareg, avec son administration et son armée. Aussi, elle reconnait par ricochet la partition du pays en deux zones d’influence politique. Par conséquent, l’opération Serval fut un exercice inutile car dans les faits, elle n’a jamais restauré l’autorité de l’état malien ou protégé l’intégrité territoriale de ce pays.

Les élections du 27 juillet 2013 n’avaient pas lieu d’être tenues. Les problèmes qui opposent les Touaregs à leurs frères du sud n’ont jamais été abordés ou réglés. Ce sont des problèmes identitaires et surtout de l’interprétation de la Charia. Les élections présidentielles de juillet 2013 ne touchent pas le fonds des revendications des Touaregs. La solution n’est pas les élections présidentielles dans un pays défiguré, divisé où les Touaregs sont toujours en armes. Il fallait d’abord désarmer les belligérants ou les rebelles, restaurer l’autorité de l’état et ensuite organiser des élections libres, ouvertes et transparentes selon les lois ou textes que les maliens se donnent. Tout comme en Côte D’Ivoire, la France a forcé les maliens à aller aux élections sans le désarmement et la restauration de l’autorité de l’état. A quoi ont servi les élections de juillet 2013, lorsqu’une grande partie du Mali n’y a pas pris part ? Quelle est l’autorité du nouveau Président élu ?

La Presse Malienne annonce déjà qu’IBK a 60 jours à compter du 27 juillet 2013 pour ouvrir des négociations avec les rebelles du nord. Il sera dans les faits l’interlocuteur ou le porte-parole des maliens du sud lors des négociations. Pour l’instant, le Mali devient un territoire militairement occupé par plusieurs armées à savoir l’opération Serval (France), la MISMA (Union Africaine), la CEDEAO et FATIM (Forces Tchadiennes d’Intervention au Mali). En clair, un nouveau protectorat français depuis le 27 juillet 2013.

Pouvons-nous parler de démocratie au Mali ?

La démocratie ne s’importe pas ou ne s’impose pas depuis l’Elysée. Les maliens sont suffisamment matures pour organiser librement les élections présidentielles dans leur pays et élire librement l’homme ou la femme qu’il faut à la tête du Mali. Nous avons tout vu sauf la démocratie en marche. Il ne suffit pas de voir les populations se ruer dans les bureaux de vote pour parler de démocratie. Les dés étaient pipés depuis belle lurette et le vote des populations ne fut qu’une formalité. D’ailleurs, le Mali n’a pas de commission électorale indépendante. Le Ministre de l’Administration Territoriale, l’équivalent du Ministre de l’Intérieur est chargé de l’organisation des élections.

Ce ministre dépend d’un gouvernement et le gouvernement subit des pressions énormes de la part de la France de Hollande afin de satisfaire les desiderata de la métropole. Le candidat de la France doit être et sera le Président de la République. Il est virtuellement impossible qu’une élection de ce genre où 5 candidats se disputent, l’un des candidats puisse remporter les élections au premier tour avec plus de 52%. Le grand challenger d’IBK a une forte influence politique au Mali pour y avoir servi en qualité de Ministre des finances et du commerce et par le passé en qualité de Président de la Commission de l’UEMOA. M. Soumaïla Cissé n’est donc pas n’importe qui afin d’être battu au premier tour. Sa contestation est donc légitime. L’on s’entendait à un second tour tout au moins.

Nous voudrions rappeler à M. Soumaïla Cissé, son rôle nuisible et nocif dans la crise post-électorale ivoirienne. Etant le patron de l’UEMOA, il exerça des pressions énormes sur le gouvernement du Président Gbagbo, lui fermant toutes les portes financières et soutien diplomatique africain. Les Maliens avaient pris faits et causes pour M. Ouattara et la France. Ils jubilaient de voir un état souverain être attaqué et détruit afin d’installer M. Ouattara. Aujourd’hui, il fait recours à la communauté internationale pour le dépouillement du scrutin. Ce fut la même chose que proposa le Président Gbagbo afin de régler pacifiquement la crise. Cela fut rejeté par la communauté internationale y compris M. Soumaïla Cissé. Qu’il s’attende à ce que sa requête soit aussi rejetée par la communauté internationale.

Les élections furent organisées par les soins de la France, l’UE et l’ONU. Elles ont déjà décidé du sort des opposants et le choix porté sur leur pion en l’occurrence IBK. C’est donc peine perdue tout cet exercice car cela ne trouvera aucune sympathie dans nos rangs encore moins au sein de la communauté internationale. Le Président Gbagbo avait tendance à dire que lorsque la maison du voisin brule, ne jubile pas mais aides-le plutôt à l’éteindre, car tu peux être la prochaine victime. La France a fait ce qu’elle souhaitait en Côte D’Ivoire et les pays de la sous-région ont applaudi. Aujourd’hui, c’est leur tour, précisément du Mali. Faut-il s’en réjouir ou profiter de l’occasion pour rappeler aux uns et autres le combat que menait le Président Gbagbo ? Encore une fois, La France a trouvé une faille dans notre gestion des affaires de l’état et s’appuyant sur la naïveté de nos hommes politiques, ont réussi à s’imposer et s’installer dans nos pays afin de mieux nous exploiter et avoir la mainmise sur nos richesses naturelles. Les maliens ne pourront plus jamais parler de souveraineté mais plutôt de la protection d’une province de non-Touaregs.

Si la France socialiste s’intéressait aux socialistes africains, elle serait intervenue diplomatiquement afin de faire libérer les 707 prisonniers politiques ivoiriens. Elle préfère intervenir en Egypte pour faire libérer les prisonniers politiques là-bas. Comme quoi, la France est animée par ses intérêts. Ce qui arrive aux maliens n’est pas une victoire en soi ou un acte de générosité de la part d’Hollande mais plutôt la continuation de la Françafrique. Que les maliens se sentent heureux d’avoir gardé un semblant de dignité et une partie de leur territoire, démontrent que nos leaders politiques n’ont toujours pas encore compris les enjeux et la mainmise de l’occident sur nos territoires. Ils continuent à visage découvert de diriger notre politique interne, nos états, choisir et imposer leurs préfets à la tête de nos états. Qui avait dit en 2012 à Dakar qu’il mettrait fin à la Françafrique ?

Violente question. Les maliens seront bientôt à même d’y répondre si l’état malien est souverain ou sous tutelle. Pauvre Afrique !

Fait à Londres le 31 juillet 2013.

Nick De Bessou

Juriste & Anthropologue Politique.

Président du FDRC.

Forum pour la Démocratie et la Résolution des Crises (FDRC).

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